Insula Giraglia

Insula. Une île au bout de l’île. Un caillou posé au bout de la Corse.

 Il y a la Corse qui est une île. Il y a le Cap Corse qui est comme une île dans l'île. Et il y a La Giraglia qui est une île au bout de l'île. Posée comme un point sur le I du doigt que forme le cap.

Sa puissance suggestive stimule l’imagination. Elle semble vivante. Ce caillou géant posé sur l’horizon, entre deux immensités, celle du ciel et de la mer, évoque un animal endormi étirant sa masse en équilibre à la surface de la mer. Comme si elle allait se dresser sur ses pattes. Tel un triceratops avec sa grande collerette, son museau cornu et son postérieur posé sur l’étendu.       

Ou un vaisseau fendant la mer. 

 

La pierre/ l’air/l’eau, trois éléments y sont réunis. Elle est comme une chaire vivante solidifiée. 

 A moins que ce ne soit une tombe. Surmontée d’un phare, semblable à une croix, comme une église. Une croix, symbole du sacré planté sur le cul d’une masse animale avachie. Avec aussi une petite maison et une tour génoise. Le lieu est habité. Le sacré ( et le profane avec la tour génoise s'y cotoyent.

 L’île comme un symbole.


L'île est à l’image de la création. Elle émerge au milieu des flots, du réservoir des possibles, et se dessine sur le ciel, l'éternité cosmique.

Cette île, comme toutes les îles, est un mystère. Morceaux de terre isolés entre ciel et mer, les îles sont secrètes par nature. En équilibre entre ciel et mer, elles sont des promesses d’inconnus. Lointaines et inaccessibles, elles se prêtent à tous les fantasmes.

Les îles sont comme les œuvres d’art qui ne sont que mystères, elles dégagent une aura d’inconnu.

Pourquoi cette île me fascine-t-elle tant ? A force de la regarder, de la dessiner, cette fascination devrait finir par s’épuiser d’elle-même. Il n’en ait rien ; plus je la regarde, plus elle m’interpelle.

Mystère de la Giraglia. Mystère de toutes les îles.

 


Que cachent ces îles en marge du monde ? Que révèlent-elles ? Un splendide isolement. L’île comme symbole de la solitude existentielle que nous partageons tous. Ciment de la condition humaine. L’île c’est nous.

Seuls au monde même entourés des autres. Nous sommes ce caillou suspendu à l’horizontal du présent de la vie, entre le ciel du futur et la mer du passé. Entre l’obscurité des profondeurs et l’infini de l’espace.

La Giraglia comme un autoportrait.

Rien n’est définitif dans la connaissance que l’on peut avoir d’un objet. L’approche est toujours partielle , conditionnée à l’instant, subjective. Le réel est insaisissable par définition. L’impermanence est notre condition.

 « Le monde objectif n’existe pas, il n’y a que des mondes perçus. Et c’est l’entrelacement de tous ces mondes qui constitue le monde »,

(Charles Pépin, « Quand la beauté nous sauve »)

 


C’est ainsi que le monde de La Giraglia se métamorphose. De sa silhouette émerge un triceratops.

 Le minéral devient animal. Né d’un chaos primordial.

Retour aux origines via ce symbole qu’est l’animal préhistorique. Superposition des identités.

 Qui est qui ? Le tricératops ou la Giraglia ?